Seul l’associé d’une SCI à la qualité de redevable de l’IR du au titre d’une plus-value-immobilière réalisée par la société
Références : Conseil d’État arrêt n°409827, 8ème – 3ème chambres réunies, 11 avril 2018
Par acte en date du 15 janvier 2007 une SCI a cédé un bâtiment à usage commercial.
Suite à une vérification de comptabilité, l’administration lui a adressé le 5 mai 2009 une proposition de rectification portant sur l’impôt sur le revenu dû au titre de la plus-value réalisée à la suite de cette cession.
Des propositions de rectification ont également été adressées, le même jour, aux deux associés personnes physiques de la société.
Par un avis de mise en recouvrement émis le 27 juillet 2009 au nom de la SCI, l’administration a mis à la charge de celle-ci les cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu correspondantes.
Dans son arrêt en date du 11 avril 2018 (n°409827) le Conseil d’Etat a dû répondre à la question qui est celle de savoir si c’est la SCI soumise à l’IR ou ses associés, également soumis à l’IR, qui disposent de la qualité de redevables du paiement des sommes suite à la mise en recouvrement de complément d’imposition à raison de la plus-value immobilière ?
La haute juridiction administrative a jugé :
« l’administration ne peut, dans le cas où le versement ainsi opéré a été calculé sur une base insuffisante, mettre en recouvrement les compléments d’imposition correspondants qu’au nom des seuls redevables légaux, c’est-à-dire des associés soumis à l’impôt sur le revenu présents à la date de la cession de l’immeuble, sans pouvoir les mettre à la charge de la société de personnes elle-même, qui n’est passible ni de l’impôt sur les sociétés, ni de l’impôt sur le revenu à raison de cette plus-value. »
L’arrêt du Conseil d’Etat est fondé sur la combinaison des articles suivants :
- 8 du CGI qui dispose que les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n’ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l’impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société.
Il en est de même des membres des sociétés civiles.
- L’article 150 U du CGI qui prévoit que sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices agricoles et aux bénéfices non commerciaux, les plus-values réalisées par les personnes physiques ou les sociétés ou groupements qui relèvent des articles 8 à 8 ter, lors de la cession à titre onéreux de biens immobiliers bâtis ou non bâtis ou de droits relatifs à ces biens, sont passibles de l’impôt sur le revenu dans les conditions prévues aux articles 150 V à 150 VH.
- L’article 150 VF du même code précise que l’impôt sur le revenu, correspondant à la plus-value réalisée sur les biens ou droits mentionnés aux articles 150 U à 150 UC, est versé par la personne physique, la société ou le groupement qui cède le bien ou le droit.
En cas de cession d’un bien ou d’un droit, mentionné aux articles 150 U et 150 UB, par une société ou un groupement qui relève des articles 8 à 8 ter, l’impôt sur le revenu afférent à la plus-value est dû au prorata des droits sociaux détenus par les associés soumis à cet impôt présents à la date de la cession de l’immeuble.
L’impôt acquitté par la société ou le groupement est libératoire de l’impôt sur le revenu afférent à la plus-value dû par ces associés.
- L’article 150 VH du CGI indique que l’impôt sur le revenu afférent à la plus-value réalisée sur les biens mentionnés aux articles 150 U à 150 UC est versé lors du dépôt de la déclaration prévue à l’article 150 VG.
Selon le juge suprême la combinaison de ces articles signifie qu’en cas de cession de biens immobiliers ou de droits relatifs à ces biens par une société civile immobilière n’ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, les associés de cette société, qui sont soumis à l’impôt sur le revenu, sont les seuls redevables légaux, à proportion de leurs droits dans la société, de l’impôt sur la plus-value de cession prévu par l’article 150 U du code général des impôts, établi et recouvré dans les conditions prévues aux articles 150 V à 150 VH du même code.
Le Conseil d’Etat ajoute :
« Si les dispositions combinées des articles 150 VF et 150 VH prévoient qu’en cas de cession d’un bien ou droit immobilier par une société ou un groupement soumis au régime fiscal des sociétés de personnes, l’impôt est acquitté par cette société ou ce groupement lors du dépôt de la déclaration prévue à l’article 150 VG et est libératoire de l’impôt sur le revenu afférent à la plus-value dû par les associés soumis à cet impôt, l’administration ne peut, dans le cas où le versement ainsi opéré a été calculé sur une base insuffisante, mettre en recouvrement les compléments d’imposition correspondants qu’au nom des seuls redevables légaux, c’est-à-dire des associés soumis à l’impôt sur le revenu présents à la date de la cession de l’immeuble, sans pouvoir les mettre à la charge de la société de personnes elle-même, qui n’est passible ni de l’impôt sur les sociétés, ni de l’impôt sur le revenu à raison de cette plus-value. »
L’administration quant à elle, pour adresser à la SCI la mise en recouvrement du complément d’imposition suite à la réalisation de la plus-value immobilière, s’est fondée sur la combinaison des articles L 256 et R 256-2 du LPF.
Le premier de ces textes dans sa rédaction applicable au moment des faits prévoyait qu’un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n’a pas été effectué à la date d’exigibilité.
Le second texte prévoit que lorsque le comptable poursuit le recouvrement d’une créance à l’égard de débiteurs tenus conjointement ou solidairement au paiement de celle-ci, il notifie préalablement à chacun d’eux un avis de mise en recouvrement.
Ainsi, de part ces constations il en résulte que c’est l’interprétation du Conseil d’Etat qui doit prévaloir.
En effet, l’article 150 VF du CGI dispose d’une part qu’en cas de cession d’un bien ou d’un droit mentionné aux articles 150 U et 150 UB par une société ou un groupement qui relève des articles 8 à 8 ter, l’impôt sur le revenu afférent à la plus-value est dû au prorata des droits sociaux détenus par les associés soumis à cet impôt présents à la date de la cession de l’immeuble.
Cela signifie que ce sont les associés de la SCI qui sont redevables de l’impôt sur le revenu au titre d’une plus-value en cas de cession d’un bien immobilier par la société civile.
D’autre part ce texte dispose que l’impôt acquitté par la société ou le groupement est libératoire de l’impôt sur le revenu afférent à la plus-value dû par ces associés.
Cette disposition ne signifie nullement que c’est la SCI qui dispose de la qualité de redevable du paiement de l’impôt sur le revenu en cas de réalisation d’une plus-value lors de la cession d’un bien immobilier par la SCI.
Cette disposition régit l’hypothèse dans laquelle c’est la SCI qui s’acquitte du paiement de la plus-value en prévoyant que ce paiement est libératoire, c’est-à-dire qu’il décharge les associés.
L’administration en se fondant sur l’article R 256-2 du LPF a partiellement raison puisque les associés d’une SCI sont responsables conjointement des dettes de la société. Comme le prévoit l’article 1857 du Code civil : « A l’égard des tiers, les associés répondent indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social à la date de l’exigibilité ou au jour de la cessation des paiements »
Toutefois, cette responsabilité conjointe des associés aux dettes de la SCI est subsidiaire comme le prévoit l’article 1858 du Code civil qui précise que les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu’après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale.
Ainsi, Le créancier doit en priorité, exiger le paiement de sa créance à la société, et effectuer une mise en demeure de payer ladite créance à son débiteur.
Il doit résulter de cette dernière, une interpellation suffisante et formelle de s’exécuter.
Cependant, la recherche de la responsabilité de la SCI en priorité par rapport à celle de ses associés n’est pas possible pour le paiement de l’IR au titre d’une plus-value immobilière réalisée par la société.
En effet l’article 150 VF qui est une règle spéciale prévoit clairement que dans cette situation ce sont les associés et non la société qui disposent de la qualité de redevable du paiement des sommes qui n’ont pas la qualité de « dettes sociales » et ne répondent pas aux règles de l’article 1858 du Code Civil.