Référence : Conseil d’État, 3ème, 8ème, 9ème et 10ème chambres réunies, 25/10/2017, 396954, Publié au recueil Lebon

Présentation des faits 

Un contribuable résident fiscal français, s’est engagé le 30 décembre 2003 par acte sous-seing privé à acquérir un ensemble immobilier situé à Veyrier-du-Lac, en Haute Savoie.

Le même jour, le contribuable a créé au Luxembourg, la SARL Partinverd, société de holding dont il est devenu le gérant et associé à 99,99 % des parts.

Cette société avait pour objet social exclusif la prise de participations dans d’autres entreprises luxembourgeoise ou étrangères, la gestion et la mise en valeur de ces participations, ainsi que l’assistance à ses filiales.

Par avenants en date du 28 et 31 janvier 2004 à l’acte de vente, le contribuable a été autorisé à se faire substituer par une société de son choix pour la réalisation de l’acquisition immobilière.

La société luxembourgeoise substituée au contribuable a acquis le 30 juillet 2004 l’ensemble immobilier pour un montant de 2 908 836 €.

Après modification de son objet social le 6 octobre 2004, la holding luxembourgeoise a le 10 novembre 2005, vendu l’ensemble immobilier, pour un prix de 4 900 000 €, à la SARL LC, société créée en France le 29 mars 2005, exerçant l’activité de marchand de biens et ayant pour gérante et unique associée l’ex-épouse du contribuable.

La plus-value réalisée à l’occasion de cette cession par la société luxembourgeoise Partinverd a bénéficié, dès lors que cette dernière n’exploitait aucun établissement stable sur le territoire, d’une exonération totale d’impôt en France, en vertu de l’article 4 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958, dans sa rédaction alors en vigueur.

A la suite d’un contrôle, l’administration fiscale suivant la procédure spéciale de répression des abus de droit prévue à l’article L. 64 du LPF, a écarté l’interposition de la société luxembourgeoise comme ne lui étant pas opposable puis assujetti le contribuable au prélèvement de l’article 244 bis A du CGI.

* Arrêt du Conseil d’Etat du 25 octobre 2017 (n°396954)

Le Conseil d’Etat a répondu à la question de savoir si l’interposition de la société luxembourgeoise, dans le cadre de la cession immobilière est constitutive d’un abus de droit.

La haute juridiction administrative, a répondu par l’affirmative, en jugeant que, l’interposition de la société luxembourgeoise, à l’opération immobilière, était dépourvue de motif économique dans la mesure où elle était purement artificielle, ayant pour unique but de faire échapper la plus-value de cession à toute imposition en France.

La décision du Conseil d’Etat est logique puisque l’article 244 bis A du CGI soumettent les plus-values immobilières de sources françaises à un prélèvement d’un montant de 33,1/3%.

Toutefois, selon l’article 4 de la convention franco-luxembourgeoise dans sa rédaction au moment des faits, les plus-values immobilières réalisées en France par des sociétés luxembourgeoises étaient totalement exonérées d’imposition si elles ne disposaient pas d’un établissement stable en France.

Il ressort des faits et des éléments du dossier que la création de la société luxembourgeoise avait pour but unique de faire échapper la cession immobilière en date du 10 novembre 2005 de l’imposition prévue à l’article 244 bis du CGI.

Pour appuyer sa position la Haute Cour relève les points suivants  :

  • premièrement, cette cession intervient un an après l’acquisition de l’ensemble immobilier intervenue le 30 juillet 2004 ;
  • deuxièmement l’acquéreur est une société ayant comme dirigeant et associée unique l’ex-épouse du contribuable ;
  • troisièmement la société luxembourgeoise n’exerçait aucune activité immobilière malgré la modification de son objet social le 6 octobre 2004.

Enfin, le contribuable était domicilié fiscalement en France.

Le Conseil d’Etat a donc suivi l’argument de l’Administration sur le fondement de l’article L 64 du LPF afin d’écarter l’interposition de la société luxembourgeoise et de soumettre le contribuable au prélèvement prévu à l’article 244 bis A du CGI.

Depuis l’époque des faits en discussion dans cette instance, l’article 4 de la convention franco luxembourgeoise a été modifié par l’article 2 de l’avenant en date du 24 novembre 2006 qui a permis à la France de récupérer son droit d’imposer les plus-values immobilières d’immeuble situés en France et détenus par des personnes morales luxembourgeoises.