Arrêt du Conseil d’Etat n°409718 du 5 février 2018

Présentation des faits 

Le 17 septembre 2010, un contribuable qui détenait 21 242 parts sociales dans la société 2LO Le Loisir Opérateur a fait donation à sa fille âgée de deux ans, de 11 410 de ces titres et a cédé le reste à son épouse.

Le « contrat de cession d’actions » signé le 23 septembre 2010 par lequel la société Loisir Management s’était engagée à acquérir l’intégralité des parts sociales de la société 2LO Le Loisir Opérateur mentionnait que la valeur totale des 11 410 parts détenues par la fille âgée de 2 ans est de 256 981,98 euros.

A la suite de l’examen contradictoire de la situation fiscale personnelle du contribuable et de son épouse au titre des années 2009  à 2011, l’administration a remis en cause la donation faite le 17 septembre 2010 par le contribuable à sa fille de titres de la société 2LO Le Loisir Opérateur au motif qu’il s’agissait d’une donation fictive, constitutive d’un abus de droit.

La somme de 256 981,98 euros résultant du produit de cession des titres de la fille âgée de 2 ans a d’abord été créditée sur un compte ouvert à son nom auquel, en sa qualité de représentant légal, son père avait librement accès, qu’ensuite il a appréhendé dans les mois qui ont suivi plus de 82 % de cette somme en la portant au crédit de plusieurs comptes rémunérés ouverts conjointement à son nom et à celui de son épouse et que ces comptes n’étaient pas bloqués et étaient à la disposition de leurs titulaires.

L’administration en regardant la cession de ces titres par sa fille à une autre société le 7 octobre 2010 comme ayant été en réalité effectuée par le contribuable, la plus-value correspondante a été soumise à l’impôt sur le revenu et aux contributions sociales au titre de l’année 2010.

* Arrêt du Conseil d’Etat en date du 5 février 2018 (n°409718)

Le Conseil d’Etat a dû répondre à la question de savoir si la donation de titres faite par le contribuable à sa fille âgée de deux ans est constitutive d’un abus de droit.

La Haute juridiction administrative a répondu par l’affirmative au motif que :

« la somme de 256 981,98 € résultant du produit de cession des titres de la fille a d’abord été crédité en, son nom auquel en sa qualité de représentant légal son père a appréhendé dans les mois qui ont suivi plus de 82% de cette somme en la portant au crédit de plusieurs comptes rémunérés conjointement à son nom et à celui de son épouse (…) constituait la preuve que le contribuable ne s’était pas dépouillé de manière immédiate et irrévocable de son bien. »

Le conseil d’Etat dans son arrêt se fonde sur deux articles :

  • L’article 894 du code civil :

« La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l’accepte »

  • L’article L 64 du LPF :

« Afin d’en restituer le véritable caractère, l’administration est en droit d’écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d’un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. »

De la combinaison de ces deux articles lorsque le donateur appréhende à la suite de la donation tout ou partie du produit de la cession de la chose prétendument donnée, l’administration peut considérer comme ne lui étant pas opposable un acte de donation qui ne se traduit pas par un dépouillement immédiat et irrévocable de son auteur car cet acte revêt un caractère fictif.

Le contribuable pour faire échec à son absence de dépouillement immédiat et irrévocable faisait prévaloir qu’en disposant de la somme de la cession des titre sur le compte ouvert au nom de leur fille il exerçait lui et son épouse leur exercice d’administrateur légal de ses biens.

Toutefois, la Haute juridiction administrative a rejeté cet argument car la donation revêtait un caractère fictif.

On ne saurait que recommander la plus grande vigilance dans le cas d’une donation faite au profit d’un enfant mineur. Tant que cela est possible, il est préférable que la nécessaire administration des biens donnés à l’enfant soit à la charge d’une autre personne que celle du donateur.